Avec la loi sur les psychothérapeutes, comment s’y retrouver ?

BRUNO CORET, Journaliste, RUE 89, 13 MAI 2011

Voilà un an qu’un nouveau type de psy a été créé par la loi Accoyer. Une minorité de praticiens prendront le titre de « psychothérapeute ». Et pour les patients, comment s’y retrouver ?

La loi de 2004 a fait naître un registre national des psychothérapeutes. S’ils ne s’y inscrivent pas, les praticiens qui ont cinq ans d’expérience ne pourront plus revendiquer ce titre. Ils se feront désormais appeler « psychopraticiens ». Mais dans la pratique, cela ne change rien.

N’oublions jamais que le but de toute psychothérapie est de servir celui qui en fait la demande : le sujet humain en souffrance ou en difficulté qui consulte un professionnel pour se faire aider.

Qu’on l’appelle client, patient, thérapisant ou autre, c’est pour lui que la psychothérapie est conduite, et c’est à lui, avant tout, qu’elle doit servir.

Le public a désormais le choix, depuis le décret du 20 mai 2010, entre trois professions réglementées :

  • les psychiatres qui sont des médecins spécialistes ;
  • les psychologues cliniciens ayant un diplôme universitaire bac +5 ;
  • et ceux qu’il faudra maintenant appeler psychothérapeutes : titulaires d’un diplôme universitaire bac +5, ils doivent avoir fait un stage de quatre mois dans une institution.

Mais aussi deux professions non réglementées :

  • les psychanalystes, qui se définissent par l’appartenance à une école ;
  • les psychopraticiens, qu’on appelait avant psychothérapeutes : ils sont en général formés par des écoles privées, et se définissent surtout par leur travail sur eux-mêmes.

L’appartenance au registre national des psychothérapeutes nécessite le passage devant une commission composée de psychiatres et de psychologues cliniciens. Un processus compliqué auquel a refusé de se soumettre une bonne partie des psychothérapeutes. Cela les privera du titre.

Devenus psychopraticiens, ils travailleront exactement comme avant.

Loi Accoyer, bonne question, mauvaise réponse

À l’origine de la loi Accoyer, il s’agissait de lutter contre les charlatans et faux thérapeutes, et de prévenir les dérives sectaires en réservant l’usage du titre de psychothérapeute à un certain niveau de diplôme contrôlé par l’État. Si l’idée est légitime, la réponse n’est pas la bonne.

D’abord parce que le diplôme n’est pas une garantie suffisante de sécurité ni de compétence. Ensuite parce que cet encadrement trop restrictif élimine nettement plus de gens sérieux que de charlatans. On précède comme pour la vache folle : un individu suspect, tout le troupeau est abattu.

Et plutôt que de chercher à éliminer les quelques mauvais thérapeutes, mieux vaudrait s’occuper de permettre aux personnes qui cherchent de trouver le bon, ou plus exactement un thérapeute qui leur convient.

Où se documenter sur son praticien ?

La première exigence que l’on devrait avoir à l’égard d’un praticien de la psychothérapie, quel que soit son titre, est la transparence et la clarté. Il faut que le client qui consulte sache à qui il a affaire avant de commencer la thérapie :

  • Qui est ce thérapeute ? Quels sont ses titres et diplômes ? Comment s’est-il formé ?
  • À quelle organisation professionnelle se réfère-t-il ? Quelles sont les limites de sa compétence ? Comment procède-t-il, avec quelles méthodes, en rapport avec quelles références théoriques ?
  • Éventuellement des questions plus pratiques : combien de temps peut durer la thérapie ? Quand s’arrête-t-elle ? Combien coûte-t-elle ? Quels sont les recours en cas de différent entre professionnel et client ?

Cette clarté et cette honnêteté pourraient être mentionnées sur un document écrit ou mieux, en ce début de XXIe siècle, sur un site internet.

Certaines organisations professionnelles (comme PsY en mouvement) ont cette exigence. Les praticiens qui sont reconnus par leurs pairs offrent ainsi un gage de sérieux pour le citoyen. Ces organisations ont aussi un rôle d’information du public, et des autres professionnels de la santé, en premier lieu les médecins car ce sont très souvent eux qui orientent leur patient vers un thérapeute, titré ou non.

Des associations d’usagers seraient les bienvenues, pour compléter l’information sur les bonnes pratiques et celles qui ne sont pas acceptables.

Une alliance entre celui qui demande et celui qui aide

Il faut que le sujet humain en demande puisse avoir à sa disposition un large spectre de méthodes, de théories, et surtout de praticiens pour pouvoir trouver celle ou celui qui sera le mieux à même de l’aider. Au moins, réjouissons-nous que la loi ne réglemente pas encore l’exercice de la psychothérapie.

Un cadre trop strict nuirait à la créativité et à l’adaptabilité nécessaire.

La psychothérapie n’est pas l’application d’une méthode apprise pendant des études à un « cas » de pathologie bien référencée. Elle est une alliance entre celui qui demande et celui qui aide. Le praticien, ou thérapeute est au service du sujet. Il est d’abord centré sur lui, pour l’accompagner dans ce dont il a besoin.

Ce n’est que secondairement que le praticien fait appel à ses connaissances, à son savoir faire et surtout à sa capacité de prendre de la distance par rapport à lui-même afin d’être totalement dans l’univers de celui qui le consulte.

Cette qualité indispensable au thérapeute s’acquiert plus par le travail qu’il a fait sur lui-même que par les études théoriques, pourtant bien utiles, qu’il aura pu suivre.

SOURCE DE L’ARTICLE :  NouvelObs, avec Rue89 | Avec la loi sur les psychothérapeutes, comment s’y retrouver ?|En ligne | Consulté le 30 septembre 2018 | Accessible en ligne à l’adresse suivante : https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-connectees/20110513.RUE2288/avec-la-loi-sur-les-psychotherapeutes-comment-s-y-retrouver.html